Robert Goossens naît en 1927 à Paris d’un père fondeur en bronze et d’une mère employée de théâtre. En 1942, il commence son apprentissage d’orfèvre-boîtier chez Bauer, un atelier qui travaille pour la Maison Cartier. Son initiation se poursuit au sein de l’atelier Lefèvre, toujours pour Cartier. En 1949, devenu artisan indépendant, il exécute des commandes très variées exigeant une grande maîtrise de différentes techniques, telles la marqueterie sur ivoire, écaille ou nacre, le travail du bois et du cuir, la sculpture, la peinture ou encore l’émaillage. À cette période, c’est Max Boinet, proche des personnalités de la mode parisienne, qui entraîne le jeune Goossens dans le monde de la haute couture (Dior, Balmain, Dessès, Rochas, Fath, Balenciaga, Castillo, Schiaparelli). Mais Robert Goossens reste fasciné par les bijoux antiques, vouant une grande admiration au joaillier animalier Sterle et surtout à la Maison Boivin. En 1953, tout en conservant son statut d’artisan indépendant, Monsieur Degorce sollicite Robert Goossens pour le seconder. Ce maître-artisan de 75 ans réalise alors pour Mademoiselle Gabrielle Chanel des bijoux rehaussés de perles, de strass, de rubis et de saphirs. En décalage avec son vrai métier d’orfèvre, Goossens apprend vite. Il débute ainsi indirectement chez Chanel et laisse libre cours à sa créativité. Il élabore des bijoux d’inspiration barbare, wisigoth ou étrusque ; il conçoit des bracelets serpent avec un système de ressort intérieur. Pour Hermès, il crée le hérisson, le fer à cheval et l’étrier en or et argent. Son rêve prend forme : évoluer aux côtés des grandes signatures.
La rencontre avec Chanel
Suite à la disparition de Monsieur Degorce en 1957, Robert Goossens est convoqué chez Chanel par son assistante Mademoiselle Michelle. Coco le croise dans le couloir. Il se présente. Elle le regarde et dit : « Je fais confiance aux vrais professionnels ». Ce bref entretien marque le début d’une collaboration passionnante jusqu’à la disparition de Gabrielle Chanel. Un jour, Goossens lui présente une collection de bijoux inspirés des Anciens. « Ils sont magnifiques » dit-elle, « et si on nous questionne, nous dirons qu’ils proviennent des fouilles de la rue Cambon ! » Mademoiselle veut plus ! Des bijoux toujours, mais aussi des objets, des miroirs, des lustres, du mobilier où s’assemblent les pyrites, le cristal de roche, le corail. Autant de symboles pour Coco Chanel qui, comme l’épi de blé de la prospérité et du bonheur dans la maison, lui sont chers. C’est au cours de cette collaboration, qu’à la fin des années 1950, Goossens développe sa production consacrée aux arts décoratifs, qu’il appelle les « bijoux d’espaces ». Goossens fond, cisèle et dore des pièces qu’il signe indifféremment Robert Goossens ou Robert du Marais, référence au quartier de Paris qu’il affectionne. Ses premiers « bijoux d’espaces », de véritables ornements d’intérieur, sont la Table gerbe de blé et le Guéridon nénuphar. Il décline ces motifs avec le corail, les coquillages, les cœurs, les chaînes et le feuillage, sur le bronze qu’il dore et orne souvent de cristal de roche. « En ce qui concerne les bijoux et les objets décoratifs, je pense être aujourd’hui le seul témoin de l’esprit créatif de Mademoiselle Chanel, professionnellement parlant. » Entre 1954 et 1971, il a inventé un incroyable vocabulaire de formes qui ont marqué les arts décoratifs.
La collaboration avec Yves Saint-Laurent
Approché par la Maison Saint-Laurent qui souhaite recruter le « Monsieur Bijou » de la Maison Chanel, il débute en 1974 au sein de la marque en collaboration avec Loulou de la Falaise qui lui suggère de nouvelles pistes d’inspiration. Goossens documente et imagine une ligne de bijoux africanistes tout en continuant à décliner les motifs qui lui sont chers sur ses bijoux d’intérieurs fétiches : les luminaires, les tables et les miroirs, sans oublier de plus petits objets décoratifs. Il tisse avec Yves Saint-Laurent une relation de confiance et d’amitié et crée à sa demande des éditions très limitées de petits « bijoux d’espaces » destinés à être offerts à ses proches, comme les cadres à photos réalisés en bronze doré et cristal de roche en 1980. La collaboration est très fructueuse jusqu’en 2000. Au début du XXIème siècle, Robert Goossens vend sa société à Chanel et s’accorde le temps de la retraite « active » comme il aime à le préciser. Il parraine ainsi l’atelier de création « Les Paruriers ». Goossens continuait de rêver à de nouveaux projets : créer un atelier de formation pour les jeunes et les faire bénéficier d’une expérience hors du commun. Même si, malicieusement, il aimait ajouter : « Moi, j’ai appris mon métier dans la rue ».
Avant sa mort en 2016, Robert Goossens cède l’intégralité de ses pièces à son ami et marchand d’art de longue date, Philippe Rapin, qui continue aujourd’hui de diffuser l’héritage artistique de ce créateur devenu iconique. Expert officiel de l’œuvre décorative de Goossens, le galeriste expose en exclusivité chez Maison Rapin les créations originales de cet artiste atypique, datant des années 1970 à 1990.